French Storytelling Comes to HopeSpring
Les larmes de la Fée de la Mer
Caroline Arseneau, Caitlyn Hoogendam, Jingqi Hou et Emma Stobo
Il était une fois une fée qui vivait au bord de la mer. Elle était insouciante, joyeuse et aimait jouer comme les vagues qui déferlent. Elle avait toujours le sourire aux lèvres et le pas vif et léger—du moins, elle aurait eu le pas vif si elle avait eu l’habitude de marcher. Étant une fée, elle volait habituellement. Tous ceux qui la connaissaient l'appelaient la Fée de la Mer—mais en fait, peu de gens la connaissaient, car les fées sont très secrètes et les êtres humains qui ont la chance de les rencontrer ne sont pas toujours bien lotis.
Un beau jour, la Fée de la Mer, qui comme d'habitude jouait près de la plage et s'amusait bien, remarqua quelque chose qui la dérangeait. Il y avait un jeune garçon debout sur la plage qui pleurait.
« Pourquoi pleure-t-il par une si belle journée ? se demanda-t-elle. Pourquoi pleurer quand le ciel est si bleu et la mer si vaste ? »
Elle s'approcha et lui demanda la raison de ses larmes.
– Ma maman est malade, dit-il. Elle est à l'hôpital… tout est différent maintenant… et elle me manque.
– C’est dommage, répondit la fée. Mais la mer est si belle, ne vas-tu pas arrêter de pleurer ? (En tant que fée, elle n'avait pas beaucoup
d'expérience dans le domaine de la compassion, qui est une compétence humaine.)
Le garçon ne se souciait pas de la belle mer. Il continuait à pleurer.
Les larmes du garçon commencèrent à agacer et à troubler la fée. (Je vous avais prévenu qu'elle n'était pas sage dans le domaine des sentiments humains). Elle sortit sa baguette magique et commença à chanter sur un air de « Tourne, tourne, petit moulin » :
La mer, elle ne veut pas tes larmes
Elle est joyeuse et toujours gaie
Je vais donc te jeter un charme
Pour te faire sourire toute la journée…
Désormais, au lieu d’eau salée
Que tes larmes soient des algues !
Ça arriva exactement comme la fée l’avait dit. Au lieu de larmes, des algues sortirent des yeux du garçon.
– Voilà, maintenant il faut arrêter de pleurer, dit la fée d'un air satisfait. Amuse-toi bien !
Puis elle disparut dans les embruns.
Le garçon restait aussi triste qu'avant, sauf que maintenant il souffrait du désagrément supplémentaire d'avoir des algues vertes collées au visage. Il se demanda pourquoi il avait eu le malheur de rencontrer une fée.
~*~
Avant d’aller à l'hôpital pour rendre visite à sa mère cet après-midi-là, le garçon nettoya les algues de son visage.
« Je ne peux pas pleurer, se dit-il. Maman va s'inquiéter si elle voit ces algues. »
Il fit de son mieux, mais c'était si difficile de voir sa mère comme ça, avec tout ce qu'elle avait de différent—les vêtements différents, les cheveux différents… même son odeur réconfortante et unique de « Maman » était différente maintenant. Avant de se rendre compte, quelques petites mèches d'algues s'échappèrent de ses yeux.
– Qu’as-tu au visage, mon chéri ? demanda sa mère.
Il recula instinctivement et leva la main pour couvrir ses yeux.
– Ce n’est rien. Euh, je dois partir.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
Mais il ne répondit pas, il s’enfuit.
~*~
Or, vous pouvez penser que les fées sont des êtres méchants, qui causent des problèmes partout où elles vont. Et vous n'auriez pas tout à fait tort. Mais tout comme les êtres humains, les fées sont compliquées. Elles font toutes des erreurs, mais certaines d'entre elles, ayant plus d'expérience avec les êtres humains, sont plus sages que d'autres. L'une des plus sages de toutes était la Fée de l'Hôpital, qui, comme vous pouvez l'imaginer, vivait à l'hôpital.
Ce jour-là, quand elle vit le garçon avec des algues à la place des larmes, elle sut immédiatement que c'était l'œuvre de la Fée de la Mer.
« Ce pauvre garçon ! se dit-elle. Si seulement je pouvais rompre le charme moi-même. Mais cela doit être fait par la fée qui l'a jeté. »
Alors elle s'envola vers la mer pour trouver la fée coupable. Cela ne prit pas beaucoup de temps ; comme d'habitude, la Fée de la Mer jouait dans les vagues près de la plage.
– Meri ! s'écria la Fée de l'Hôpital. (J'ai oublié de vous dire que la Fée de la Mer s'appelait en effet Meri. Et si vous êtes curieux, la Fée de l'Hôpital s'appelait Hortense… mais pas par choix je vous assure). Viens ici et explique-toi ! Pourquoi as-tu jeté une malédiction sur ce jeune garçon ?
La Fée de la Mer était un peu agacée que sa recréation ait été interrompue.
– Je n'ai jeté de malédiction sur personne, dit-elle en croisant les bras. En fait, je n'ai fait que de bons charmes aujourd'hui. Il y avait un garçon qui pleurait, et c’est grâce à moi qu’il va être heureux pour le reste de ses jours.
– Tu as remplacé ses larmes par des algues ! Maintenant, comment peut-il pleurer quand il est triste ? Tu lui as volé quelque chose de très important.
– Important ? Mais comment ? N'est-ce pas mieux de ne pas pleurer ? Pleurer c'est triste, c'est inconfortable… c'est nul ! C'est mieux d'être heureux et de jouer tout le temps comme moi.
Hortense secoua la tête.
– Je vois que tu ne comprends pas grand-chose à la vie humaine. La vie est un équilibre, on ne peut pas être heureux tout le temps. Lorsque les êtres humains sont tristes, il est important qu'ils expriment leurs émotions.
Meri regarda l’autre fée avec méfiance.
– Et comment sais-tu tout ça ?
– Quand on passe du temps à l'hôpital, on apprend certaines choses.
– Tu ne peux pas me reprocher de ne pas savoir. Je suis la Fée de la Mer, pas la Fée de l'Hôpital.
– Même la mer sait quelque chose sur l'équilibre, dit l'autre doucement. Certains jours, elle est ensoleillée et calme, et d'autres, elle est tempétueuse et agitée. N'est-ce pas ?
Meri fronça les sourcils et ne répondit pas.
– Va revoir le garçon, insista Hortense. Tu sauras quoi faire.
Alors Meri s'envola vers la maison du garçon et se glissa par une fenêtre ouverte. Elle le trouva assis sur le sol, fixant le mur. Il ne pleurait pas... mais il n'était pas heureux non plus. En fait, il avait l'air très, très malheureux.
– Bonjour, dit Meri d'une toute petite voix.
Le garçon leva les yeux. Il avait peur d'elle. Le don qu'elle lui avait offert n'était pas un don, mais une malédiction.
Quand Meri s'en rendit compte, elle ressentit une sensation étrange dans la gorge, puis un picotement dans les yeux. Deux petites perles (car ce sont les larmes des fées) tombèrent de ses yeux et atterrirent sur le sol : plink, plink.
– J’ai eu tort. Je suis désolée, dit la fée. J'ai appris qu'il est important de pouvoir pleurer.
– Ça veut dire que tu vas rompre le charme ? demanda le garçon.
– Oui, dit-elle en sortant sa baguette.
Puis elle s'arrêta.
– Oh ! J’ai une idée géniale ! Je peux te faire pleurer des perles au lieu des algues, exactement comme une fée. Ce serait tellement amusant, tu ne crois pas ?
– Euh… dit le garçon. Je préférerais des larmes normales, s'il te plaît.
Meri se sentit un peu agacée qu’il eût rejeté son idée… Mais ensuite elle se souvint des résultats affreux de sa première idée brillante du jour.
– Comme tu veux, dit-elle. Et elle commença à chanter encore une fois :
La mer, elle est faite de larmes
Ainsi que des vagues et de soleil
Je vais donc te jeter un charme
Pour rendre ce que j’ai enlevé
Désormais, tu peux pleurer
Tes larmes sont maintenant restaurées !
Ça arriva exactement comme la fée l’avait dit.
Lorsque le garçon retourna à l'hôpital pour voir sa mère, ses larmes perdues étaient si impatientes de retrouver la vie qu'elles commencèrent à couler spontanément.
– Oh, mon chéri, dit Maman en le serrant dans ses bras.
Bientôt, les larmes montèrent dans les yeux de Maman aussi, et ils pleurèrent tous les deux ensemble jusqu'à ce qu'il n'y eût plus de larmes.
– Ça va mieux, dit Maman. Je me sens un peu plus légère.
– Moi aussi, dit le garçon en se frottant les yeux. Hé Maman, regarde, j'ai fait quelque chose pour toi.
Il lui montra une paire de boucles d'oreilles simples. Une toute petite perle pendait de chacune.
– Tu ne croiras jamais où j’ai trouvé les perles…
Il commença à lui raconter toute l’histoire. Et qui l'eût cru—elle n'était même pas surprise. Cela pourrait avoir un rapport avec sa rencontre antérieure avec une certaine Fée de l'Hôpital nommée Hortense… Mais ça c'est une autre histoire.
Il semble que la malchance (ou la chance) de rencontrer des fées soit plus fréquente que vous ne le pensez…
LA FIN
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